La Commission nationale de la vérité sur les crimes commis par la dictature militaire au Brésil a rendu ses conclusions cette semaine. Elle a révélé les noms de 434 morts et disparus entre 1964 et 1985 et a diffusé une liste de 377 personnes, dont beaucoup de militaires, qu’elle juge responsables de graves violations des droits de l’homme.
Après la présentation officielle, lors de laquelle la présidente, Dilma Rousseff, elle-même torturée, était au bord des larmes, les discours d'élus se sont succédé.
Maria do Rosario, députée du Parti des travailleurs (PT) et ancienne ministre de l'ex-président Lula, a rendu hommage à la Commission et déploré "la honte absolue" qu'ont été les abus de droits de l'homme de la dictature. A sa suite est intervenu Jair Bolsonaro, député du Parti progressiste (PP) et militaire de réserve bien ancré à droite.
Devant les caméras, il interpelle sa collègue, lui demande de ne pas partir, et l'invective. Il évoque les accusations de Maria do Rosario sur les viols à grande échelle pratiqués par les militaires sous la dictature, qu'il nie, et lui lance : "Je ne te violerai pas. Tu ne le mérites même pas."
Insulter aussi violemment une collègue dans l'enceinte de l'Assemblée provoquerait un tollé dans presque n'importe quel pays. Au lieu de présenter des excuses, Jair Bolsonaro, qui n'en est pas à son coup d'essai, si l'on peut dire, a diffusé la vidéo sur les réseaux sociaux et s'est félicité, parlant de lui à la troisième personne.
A ceux qui se sont étonnés de la violence et de la misogynie de ses propos, Jair Bolsonaro a évoqué un vieux contentieux. En 2003, une altercation s'était déjà produite avec Maria do Rosario, là encore devant les caméras. Le député jure encore aujourd'hui qu'il a été traité de "violeur", et qu'il en a les preuves, ce qui justifierait son comportement.
Or dans cette vidéo, vieille de onze ans, on ne le voit que lui, traitant Maria do Rosario de "salope", qu'elle "ne mériterait pas d'être violée par lui" et terminant en l'incitant à "aller pleurer plus loin".
"Je préfère que mon fils meure dans un accident de voiture plutôt qu'il soit homosexuel"
Jair Bolsonaro aime se présenter comme "un homme qui gêne", un homme qui dit les choses comme il les pense, que "l'esquerdalha", les gauchistes, persécutent.
Voilà qui rappelle certaines postures tenues en France, que ce soit par un maire ex-UDI qui dérape sur les Roms, par Christian Vanneste après son exclusion de l'UMP pour ses propos sur la déportation d'homosexuels, ou par Christine Boutin.
Mais Jair Bolsonaro va bien plus loin. Il traîne une suite de polémiques si longue que les politiciens sulfureux d'autres pays ne peuvent que s'incliner. Ses propos sont si extrêmes qu'ils en seraient presque caricaturaux, si l'homme n'assumait pas tout.
Pour le site The Intercept, "toute démocratie a son lot de députés crétins et intolérants, les Etats-Unis en ont plus que d'autres. Mais Bolsonaro est une honte nationale unique." Paradoxalement (ou peut-être pas tant que ça), il peut se targuer d'être élu sans discontinuer depuis 1990 à Rio de Janeiro, et d'avoir obtenu le meilleur score de l'Etat lors des dernières élections.
Sur son site, Terra liste les "dix polémiques de Bolsonaro", où l'on apprend notamment que :
- Il s'en est pris à plusieurs reprises à Dilma Rousseff et à sa volonté de sensibiliser les jeunes enfants à l'homophobie dans les écoles. Lors d'une audition à la Chambre des députés, il lui a demandé "d'arrêter de mentir" et "d'admettre son amour pour les homosexuels". Il s'en est également pris à Eleonora Menicucci, ministre du droit de femmes, qualifiée de "grosse gouine".
- Une sénatrice du Parti socialisme et liberté (PSOL), classé à gauche, a demandé qu'une enquête soit ouverte. Jair Bolsonaro a rétorqué en affirmant qu'il "répondrait [à cette demande] que sur du papier toilette" car le PSOL "est un parti de connards et de pédés".
- En 2011, il a affirmé dans une interview qu'il préférerait que son "fils meure dans un accident de voiture plutôt qu'il soit homosexuel". "Pour moi, il serait de toute façon mort. Si un couple homosexuel vient s'installer à côté de chez moi, ils vont faire baisser le prix de l'immobilier", a-t-il ajouté pour faire bonne mesure. La même année, il répondait à une actrice noire qui lui demandait ce qu'il ferait si son fils tombait amoureux d'une femme de couleur :
"Je ne vais parler de promiscuité ni
avec toi, ni avec personne. Ça ne risque pas d'arriver, car mes fils ont
été bien élevés et n'ont pas grandi dans le type d'environnement qui a
malheureusement été le tien."
- Enfin, il défend ouvertement la torture pour l'obtention d'informations, car "les dealers et les kidnappeurs n'ont plus de droits humains".
La dernier scandale "made in Bolsonaro" est peut-être celui de trop. La députée Maria do Rosario a promis de porter plainte ; le ministère des droits de l'homme a diffusé un communiqué trouvant "incroyable qu'un élu puisse utiliser sa position pour cracher sa haine et inciter au crime" ; quatre partis politiques, dont le PT, ont déposé un recours pour demander son exclusion de la Chambre des députés.
Mais Jair Bolsonaro reste confiant. Il balaie la possibilité de perdre son mandat et répète à ZH Noticias, dans une longue interview mise en ligne jeudi, qu'il "est la victime. C'est elle, l'agresseure." Il assure que son intervention a été mal comprise, qu'il s'agissait "d'ironie". Et répète encore, pour bien se faire comprendre :
"Je ne suis pas un violeur. Mais si
je l'étais, je ne la violerais pas, parce qu'elle ne le mérite pas. Elle
est très méchante, et très moche. Ce n'est pas mon genre."
Luc Vinogradoff
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